Ils sont seuls contre le monde

   L'HOMME NOUVEAU, Blandine Fabre, avril 2021 :

   Directeur général d’« Enfants du Mékong » de 1988 à 2016, Yves Meaudre s’est souvent rendu dans ces lointains pays dont les enfants sont soutenus par l’association. Ce fut pour lui l’occasion de rencontres uniques. Des rizières du Vietnam aux bidonvilles des Philippines, du Tibet au Cambodge, son témoignage bouleverse. Que ce soient des jeunes « bambous » qui, malgré les risques dus à la guerre, ne veulent pas abandonner leurs protégés ou un prêtre sorti tout juste des prisons communistes et qui continue son oeuvre, dans la discrétion, tous ont au coeur leur foi, leur amour de ces pays à la civilisation pluriséculaire et de leurs enfants les plus pauvres.

   Ces récits sont également l’occasion pour l’auteur de lancer un cri de colère contre notre société dénaturée, qui renonce à ses richesses au nom de la mondialisation, qui tue ses enfants au nom d’une liberté dévoyée, et qui n’a plus aucun enthousiasme.

   Un reproche vivant

   Ces âmes fidèles et fortes de l’Asie sont pour les Occidentaux un reproche vivant et un modèle à suivre car qui sait si ce qu’ils ont eu à vivre (ou vivent encore) ne menace pas cet Occident qui se vend au plus offrant sans chercher à prévoir les conséquences du renoncement à sa civilisation. Dix-huit récits se suivent sans se ressembler, dix-huit perles à lire et méditer, jusqu’à celle qui se passe… en France, où une future volontaire pour être « bambou » (c’est ainsi que l’on nomme les volontaires à « Enfants du Mékong ») manifeste un esprit rebelle et anticatholique. Yves Meaudre, à la demande d’un prêtre, accepte de la prendre malgré ses réticences et l’envoie en mission… Elle deviendra religieuse en Terre Sainte et gardera le contact avec l’auteur, l’enjoignant de garder l’oeuvre « ancrée implicitement et explicitement dans le coeur de Jésus ». Tout un programme ! 

   Enfants du Mékong ce sont des visages, des personnes, des familles. Il n'y a pas de projet à EDM, ni prospective, ni business plan, ni plan à cinq ans. Aucune, vraiment aucune action entreprise en Asie du Sud Est n'a été autre chose que la conclusion féconde d'une rencontre. Yves Meaudre, au travers de dix-huit courts récits, décrit ces hommes et ces femmes d'exception rencontrés au fil du temps.

   De l'expérience d'une civilisation suicidée j'ai voulu transmettre à ces peuples qui ont subi l'effondrement de leur culture, tentés de désespérer de leur destin, notre propre Espérance. Admirant mes compatriotes engagés avec une constance et une intelligence qui dépassent les fragilités humaines en termes d'éducation, de combat pour l'homme et la Vie, pour la grandeur de la famille j'ai voulu rendre à ces peuples la fierté de leur trésor : l'unité de leur famille et la grandeur propre à chacune des nations que nous allions servir. Ces pays martyrs hier et pour certains encore aujourd'hui ont vu surgir les anges et les saints. Il fallait les découvrir, les faire connaître et leur donner les moyens d'agir. Dans un village perdu de la jungle birmane, dans les forêts dévastées des Hauts plateaux vietnamiens, dans l'horreur des bidonvilles un jeune homme ou une jeune femme se lève. Par sa seule foi et sa détermination il bouleverse un ordre apparemment tout puissant auquel tous se soumettent.