Dieu, Alpha et Omega - Création et providence

L'HOMME NOUVEAU, Didier Rance, octobre 2023 : 

   Dans la première partie, le père Bonino montre que, loin d’être une vaine curiosité, la réflexion sur la Création répond à un besoin vital et existentiel pour l’homme, tant de son intelligence que de son coeur. Il distingue nettement les plans – scientifique, métaphysique, religieux – mais montre que chez saint Thomas comme dans la Bible et chez ses prédécesseurs, la réflexion à partir de la Révélation, loin d’exclure la raison, l’invite à se déployer, jusqu’à la recherche du sens. Pour lui, Dieu est cause première et Seigneur de sa Création, il peut donc appeler à l’existence un univers à la fois un et divers (ce qui permet aujourd’hui de rendre compte du phénomène de l’évolution, découvert après lui, sans en faire une religion de substitution).

   Dans une seconde partie, nous voyons saint Thomas partir d’une donnée capitale de la Révélation : Dieu cause première est aussi cause finale de la Création, qui est donc ordonnée à sa fin, le Royaume, par la Providence. Celle-ci permet d’abord (on l’oublie trop souvent) la conservation dans l’être, et l’avancée vers le but. Dieu, tout en demeurant souverainement libre (le miracle), a voulu que la puissance de sa Providence inclue notre libre participation, et il est actif au coeur de toutes nos actions (ne pourrait-on dire que la liberté humaine qui nie la Providence scie la branche dont elle est issue ?).

   La troisième partie présente les positions de saint Thomas sur l’existence et le scandale du mal. Celui-ci condamne les fausses solutions « classiques » et le père Bonino s’en inspire pour y ajouter la tentation moderne d’enlever à Dieu sa seigneurie sur la création sous prétexte de l’innocenter. À l’inverse, saint Thomas s’inscrit clairement dans la lumière de la Révélation et l’effort des Pères : Dieu ne veut jamais le mal, mais il permet cette privation du bien en tant qu’elle n’extirpe pas la vocation à celui-ci. Quant à la peine infligée à qui commet le mal, loin d’être une vengeance de Dieu, elle est un appel au bien autant qu’une exigence de justice.

   En conclusion, le père Bonino invite à suivre saint Thomas dans une véritable conversion de notre regard sur le mystère de Dieu et sur nous-mêmes, et il en donne un symbole saisissant : l’effleurement du doigt du Créateur et de celui de l’homme sur les murs de la chapelle Sixtine. 

   Où est-il ton Dieu ? Il n'est pas toujours facile aujourd'hui pour le croyant de reconnaître l’action et la présence de Dieu dans le cosmos, dans l’histoire et dans sa propre vie. Faut-il dès lors mettre en place une théologie du retrait de Dieu ? Mieux vaut, à l’école de saint Thomas d’Aquin, prendre acte que l’action de Dieu se situe essentiellement sur le plan métaphysique : Dieu est la Cause première, la source de l’être, qui rend raison de l’existence même des êtres et qui, dans son gouvernement providentiel, agit au cœur même de l’action de ses créatures pour les conduire vers leur accomplissement. La théologie du gouvernement divin, mise en œuvre dans le temps du dessein éternel de la Providence, éclaire le sens de l’histoire et de l’économie du salut chrétien. C’est à sa lumière aussi qu’il est possible d’envisager la redoutable question du mal.

   Cet ouvrage, qui fait suite à Dieu ‘Celui qui est’ (De Deo ut uno) (2016), est un cours systématique de théologie qui traite successivement la doctrine de la création, la providence et du gouvernement divin et enfin la question du mal. Il offre une présentation condensée des données de l’Écriture sainte et de la Tradition puis propose une synthèse théologique à partir d'une lecture commentée des textes de la Somme de théologie de saint Thomas, dont les principes sont à même d’éclairer les problématiques plus contemporaines.