Qui es-tu mon fils ?

Au sommaire :

• Introduction
• Une lecture prophétique de l'histoire de Jacob et Rachel
• L'histoire de Jacob et Rachel : vue d'ensemble
• Vends-moi d'abord ton droit d'aînesse : une primogéniture problématique
• Qui es-tu mon Fils ?, la bénédiction d'un premier-né insaisissable
• Que Yahvé m'ajoute un autre fils ! Rencontres, combats et fécondité prophétique de Jacob et Rachel en exil à Haran.
• Ne crains pas, car tu as un fils de plus. L'enfantement douloureux d'un fils nouveau.
• Remarques finales de méthodologie
• Index des personnes et lieux bibliques
• Index des références scripturaires
• Bibliographie

L'HOMME NOUVEAU, Avril 2020, don Philippe Seys :

Le Père Albert-Marie Crignon, de la Fraternité Saint- Vincent-Ferrier de Chéméré-le-Roi, publie sa thèse, soutenue à Fribourg (Suisse). Il montre comment, dans les récits sur Jacob, l’Écriture, ici la Loi (cf. Mt 11, 13), est prophétique.

•    Après une présentation d’ensemble de Gn 25-35 (ch. 1), le Père Crignon explique sa méthode (ch. 2) [1]. L’épisode du droit d’aînesse échangé pour un plat de lentilles (25, 27-34) fait apparaître un fil théologique : le premier-né (bekor) ne l’est pas seulement de naissance mais par vocation [2]. L’oracle reçu par Rébecca sur Esaü et Jacob (25, 23) a une intention prophétique. Il s’agit d’avenir, mais pas à courte échéance, ce qui correspond à Mt 11, 13 : la Loi prophé tise, de fait. [3]
•    Ayant remarqué d’autres jumeaux en 38, 27-30, l’auteur justifie l’usage méthodologique des parallélismes décelés dans la Bible. Par les ressemblances et les différences, les écrivains sacrés, en répétant certaines formulations dans des passages similaires, évoquent des lignes théologiques plus profondes à partir des événements singuliers.
•    Dans son troisième chapitre, il analyse la scène de Gn 27 : Jacob usurpe la bénédiction d’Esaü. Au lieu d’en rester avec la majorité des lectures contemporaines à la tromperie scandaleuse, le Père Albert discerne dans les formulations du texte les caractéristiques du bekor : il s’inscrit dans une série de fils qui sont sacrifiés (au moins symboliquement, comme Isaac en Gn 22) et qui s’assimilent à la nourriture qu’ils offrent (en se couvrant de la peau des chevreaux qu’il donne à manger à son père Isaac). Au loin se profile un Fils sacrifié et offert en nourriture pour faire d’autres fils. Voilà ce que l’auteur appelle le sens plénier de l’Écriture, basé sur le sens littéral et sur la détection de certains échos à l’intérieur du texte biblique.
•    Dans les deux chapitres suivants, il présente les épreuves de Jacob et Rachel : Jacob ne devient un vrai bekor selon Dieu que par son humilité lors de sa réconciliation avec Esaü ; quant à Rachel, ses maternités difficiles sont l’occasion pour elle de grandir en gratuité, et de donner la vie par-delà la mort.
•    En conclusion, le Père Crignon propose un résumé qui suffira pour les gens pressés. Puis il ajoute une synthèse théologique à propos du bekor selon Dieu dans Gn 25-35 : annonce sans les mots du Fils incarné. Il a ainsi répondu à son projet, qui s’avère correspondre aux demandes de Benoît XVI dans Verbum Domini : ne pas séparer le sens littéral de la théologie qui s’y livre, pour pouvoir nourrir la foi du peuple chrétien dans sa lecture de la Bible. 

   Dans cette étude biblique tourbillonnante d'érudition, le frère Albert-Marie Crignon aborde un thème d'une extraordinaire contemporanéité : la filiation.

   "Qui es-tu mon fils ?" , c'est en effet la troublante question que pose Isaac à Jacob, en le prenant pour Esaü. Ainsi, à travers cette véritable enquête d'un passage fameux de la Genèse (l'histoire de Jacob et de sa famille), ce sont tus rapports de père à fils dans la Bible qui sont décryptés.

   Sans jamais s'éloigner du sens littéral, l'auteur, en bon exégète, donne vie à ces si  beaux récits de l'Ancien Testament, qui sont lus comme des prophéties annonçant l'avènement d'un Fils, en qui tous sont sauvés, le Christ. Derrière une histoire de famille peu catholique -Jacob épouse de Rachel et sa soeur, et il est également le père des enfants de leurs servantes-, c'est notre condition de fils et de fille, et notre rapport au Père des Cieux, que nous sommes invités à interroger. Et à réinvestir.